Adolescent mal en souffrance mentale
Santé

Comment aider un jeune adulte en difficulté psychologique ?

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Selon une étude de l'institut Ipsos publiée le 22 novembre 2022*, un adolescent français sur deux souffre de symptômes d'anxiété ou dépressifs. La santé mentale des jeunes est un sujet de plus en plus préoccupant. Devoir passer de l'enfance à l'âge adulte implique de grands changements. Stress lié aux examens, problèmes familiaux, troubles alimentaires... Les causes sont multiples. Marie-Anne Gury, directrice du centre de psychologie ECLYPS', nous livre son expérience sur le sujet et nous présente les dispositifs existants pour aider un ado en difficulté psychologique.

Marie-Anne Gury, Psychologue

Quel a été votre parcours et depuis combien de temps le centre ECLYPS’ existe-t-il ?

Marie-Anne Gury : J’ai créé le centre de psychologie en 2008 (renommé Eclyps’ en 2021). Je travaillais alors en parallèle dans un établissement pour les adolescents atteints de troubles du comportement, puis en hôpital psychiatrique. J’ai ensuite recruté deux collaboratrices pour m’aider. Je suis également formée à l’EMDR, technique thérapeutique que je trouve très efficace dans un grand nombre de situations. Cela vient compléter l’approche plus classique de la psychologie par la parole.

Je suis devenue psychologue Experte à la Cour d’Appel de Lyon en 2018 : je suis mandatée par les magistrats pour des missions d’expertise judiciaire, avec une spécialisation enfants et adolescents.

Quelles sont les principales raisons qui amènent les jeunes adultes et ados à consulter un psychologue ?

Une des raisons les plus fréquentes que nous constatons est le stress aux examens.

Il y a des facteurs qui favorisent ce stress : des problématiques familiales, l’entrée dans l’âge adulte… En réalité, ce n’est pas que le bac qui est stressant, c’est tout ce qu’il y a derrière. Notamment la peur de grandir, une peur que l’on observe finalement en consultation de 2 ans… à 50 ans ! Mais le plus souvent observée au moment de l’entrée à l’âge de jeune adulte ou grand ado. On le voit aussi chez des jeunes à la fin de leurs études : certains repoussent ce moment, pas uniquement pour l’intérêt de la discipline, mais pour décaler l’entrée dans la vie d’adulte.

On a également observé, depuis la crise du COVID, un sentiment d’illégitimité de la part des étudiants. Par exemple pour ceux qui n’ont pas passé les épreuves finales du baccalauréat en 2020, qui ont alors pu penser “j’ai eu le BAC mais je ne l’ai pas mérité“. De mon point de vue, il aurait presque fallu à l’époque qu’ils aillent tous consulter !

Nous observons également une certaine incapacité à être avec du monde, et à se remettre dans un contexte de vie “normale” après une année de confinement : les métros et bus bondés, les horaires à respecter… Nous n’avons pas mesuré à quel point ce retour dans les foules a été maltraitant pour beaucoup de jeunes (et d’adultes !).

Nous constatons une augmentation des troubles alimentaires depuis la crise du COVID (boulimie, anorexie…).

Cette crise sanitaire est probablement un amplificateur des troubles de la conduite alimentaire, elle a figé le temps. Nous ne pouvons faire que des hypothèses car nous n’avons pas assez de recul sur la situation. Ces troubles ont augmenté l’année qui a suivi le confinement, durant lequel certains jeunes se sont davantage centrés sur des choses du quotidien comme la nourriture.

J’ai observé une hausse du nombre d’hospitalisations liées aux troubles alimentaires. Il ne s’agit pas d’une déprime temporaire. C’est un engrenage et c’est très long d’en sortir. Pour cela, un travail conjoint de trois professionnels de santé peut être nécessaire :

  • le médecin traitant ;
  • le diététicien ou médecin nutritionniste ;
  • le psychologue.

Les jeunes viennent également consulter quand ça ne se passe pas bien à la maison, c’est l’élément déclencheur.

Cette problématique peut être “résolue” très rapidement, notamment s’il s’agit d’une incompréhension à un moment donné. Parfois, les parents ont du mal à laisser leur enfant grandir, car eux-mêmes ont déjà été à un moment donné en difficulté (traumatisme douloureux, famille dans laquelle il n’y avait pas d’espace, etc.). Lors de certaines séances de consultation avec l’adolescent, les parents peuvent être ainsi invités à participer.

Les autres problématiques familiales peuvent être liées à des événements plus traumatiques comme des deuils, des violences. Les suivis sont par conséquent plus longs.

Je pense également que l’éco-anxiété et l’actualité impactent beaucoup les jeunes.

Dès l’école maternelle les enfants font des exercices attentat, apprennent à recycler, entendent parler de “planète abîmée”, etc. À l’adolescence, lors de l’ouverture sur le monde, on commence à s’intéresser à la politique, à des débats de société… Difficile également de ne pas échapper aux informations sur le dérèglement climatique.

Tout cela oblige les ados et jeunes adultes à développer des mécanismes de défense pour se protéger du monde. Si je demande à certains d’entre eux “et toi tu voudrais des enfants plus tard ?“, j’ai très souvent la réponse suivante : “je verrai comment sera le monde à ce moment-là“.

La détérioration de la santé mentale peut-elle avoir un impact sur la santé physique ?

Le cerveau se développe plus particulièrement jusqu’à 25 ans, et l’environnement qui entoure le jeune contribue à ce développement psychique.

Le fait d’avoir une santé mentale très dégradée sur la durée peut altérer le cerveau. Par exemple, certaines études sur les troubles bipolaires montrent une réduction de la mémoire et des capacités cognitives du cerveau.

Notre état psychique peut amplifier certains problèmes de santé et déclencher des signaux physiques sur notre corps (dos bloqué, migraines, maux de ventre, etc.). Comme le précise l’Organisation mondiale de la santé (OMS) : “La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité.”

Dans quels cas consulter un psychologue plutôt qu’un psychiatre ?

Un psychiatre est avant tout un médecin, et peut prescrire des médicaments, ce qui n’est pas le cas d’un psychologue, même s’il peut être spécialisé en psychiatrie. Le psychologue peut suivre son patient de manière hebdomadaire, ou tous les 15 jours.

Selon moi, l’articulation des deux est intéressante, ils sont complémentaires.

Quels dispositifs sont mis en place pour aider les jeunes ?

Chaque hôpital psychiatrique dispose d’un centre médico psychologique (CMP), proposant des consultations psy en ambulatoire.

Ces centres sont “gratuits” (payés par l’hôpital), et rassemblent des psychologues et des psychiatres. Quand il s’agit de CMP pour Enfants, il peut avoir également des orthophonistes, des psychomotriciens, des neuropsychologues, des assistantes sociales, etc. Chaque personne en fonction de son lieu d’habitation dépend d’un CMP.

Les CMP ont été créés pour proposer un suivi d’hospitalisation : quand un adulte n’a plus besoin d’être hospitalisé mais a besoin d’un soutien, il peut être dirigé vers un CMP. Les adultes peuvent également aller dans un CMP sans avoir auparavant été hospitalisés. Pour les jeunes c’est un peu plus subtil : il n’y a pas forcément d’hospitalisation, même si cela peut arriver. Ils peuvent être orientés vers un CMP dans le cas de troubles du comportement, suspicion de déficience intellectuelle, problématiques familiales compliquées, etc. Cependant on ne peut y aller pour une urgence, il peut y avoir plusieurs mois d’attente, faute notamment de financements… Les délais sont importants sur le département du Rhône, ils le sont moins sur les autres.

Un suivi en CMP est très différent d’un suivi avec un psychologue libéral : par exemple un enfant qui a des problématiques psychiatriques graves doit idéalement être suivi en institution, par un CMP. Beaucoup de parents n’ont également pas les moyens de payer un psychologue libéral : le dispositif MonSoutienPsy permet alors de bénéficier de 8 séances remboursées par la Sécurité sociale, mais cela n’est généralement pas suffisant pour réaliser un vrai suivi.

Il existe également des centres médico psycho-pédagogiques (CMPP), plus rares, qui sont sur le secteur associatif et non hospitalier, et accueillent les enfants et adolescents de 0 à 20 ans.

Concernant les étudiants, ils peuvent être orientés vers la médecine préventive, un service psychologique et médical gratuit peu connu mais présent dans chaque université.

Beaucoup d’écoles proposent également un service équivalent.

Dans certaines grandes écoles, les étudiants boursiers ont par exemple une pression plus importante : stress, niveau d’exigence, harcèlement… Dans ce cas, il ne faut pas hésiter à se rendre à la médecine préventive ou son équivalent, pour bénéficier de séances de psychologues ou d’aide d’assistantes sociales.

Est-ce que tous les troubles psychologiques peuvent se “soigner” ?

Tout dépend ce qu’on entend par “soigner “. Soigner c’est accompagner à ce qu’on ne souffre plus, c’est assez subjectif. Ce qui est important c’est que la personne trouve son équilibre. Je pense de mon côté que toute souffrance peut s’apaiser. Parfois avec l’aide d’un psychologue, mais aussi d’un traitement médical. Si un patient a des angoisses envahissantes par exemple, ou souffre d’une dépression très intense, on pourra réaliser un travail de psychothérapie. Mais pour que la personne puisse venir à ces séances, et mobiliser sa pensée sur ce travail, il faut qu’elle arrête d’avoir mal de façon aussi intense… Un traitement est alors nécessaire.

Retrouvez plus d’articles sur le sujet dans notre dossier ” Santé mentale et soutien psychologique

Qu’est-ce que l’EMDR ?

La thérapie EMDR ( Eye Movement Desensitization and Roprocessing ), est une technique complémentaire thérapeutique très efficace pour résoudre les troubles de stress post traumatique et aider les jeunes. C’est une approche clinique, une thérapie par la parole. L’idée est de travailler avec des mouvements bilatéraux des yeux, de stimuler les parties cérébrales droite et gauche, avec des tapotements ou des sons. L’EMDR permet de faire tomber des mécanismes de défense.

Pour en savoir plus :

Centre de psychologie ECLYPS’

112 Rue de Créqui, 69006 Lyon

187 rue Duguesclin, 69003 Lyon

04 78 24 73 05

Eclyps’ | Centre de psychologie

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